Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/157

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dessus les maisons, une cheminée d’usine lançait une épaisse fumée que le vent rabattait et qui s’allongeait vers moi, lourde et noire comme une menace.

Un appel de Mlle Herminie me fit revenir vers le poêle :

— Ne laissez pas éteindre le feu, disait-elle.

J’allumai d’abord la lampe et j’aperçus la vieille femme toute diminuée, et comme ratatinée sur sa chaise. Le rouge de ses joues s’en était allé et ses rides se creusaient profondément à chaque coin de sa bouche.

Elle fit silence un bon moment, puis, quand elle eut resserré ses jupes autour de ses jambes, elle parla de nouveau. Mais la mémoire aux jolis souvenirs s’était fermée et celle qui s’ouvrait maintenant ne contenait que des plaintes et des regrets.

J’activai le feu, mais le poêle eut beau faire rougir encore une fois le couvercle. Mlle Herminie resta grave et pleine de mélancolie.


Nos vacances ne devaient durer qu’une semaine ; aussi, malgré le mauvais temps, j’entraînais chaque jour ma vieille voisine à la promenade.

Elle n’apportait pas beaucoup d’attention aux choses de la rue. Elle s’appuyait à mon bras en continuant à parler de sa jeunesse, et quand elle ne trouvait plus rien à dire sur elle-même, elle contait les joies et les douleurs des autres. Dans