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notre quartier il n’y avait que le boulevard Saint-Michel qui la rendait attentive. Elle aimait ses trottoirs bruyants et encombrés où l’on rencontrait des couples jeunes qui s’embrassaient tout en marchant.

En dehors de ce boulevard, c’était surtout au Luxembourg que je la conduisais.

Par ces jours d’hiver le jardin semblait être devenu notre propriété. Des passants le traversaient dans un sens ou dans l’autre, mais personne ne s’y arrêtait. Il ne fallait pas songer non plus à nous y arrêter. Le vent qui soufflait sur la terrasse faisait baisser la tête à Mlle Herminie et coupait par le milieu ses plus belles histoires. Nous marchions à l’aventure, et le plus souvent, nous ne dépassions pas la pépinière dont les allées étaient les mieux abritées. Tout à côté, c’était le grand bois, un bois où les arbres gardaient tous la même distance et où l’herbe n’avait jamais poussé entre les cailloux. Tout y était de couleur sombre, les bancs se mêlaient à la terre et aux branches, et la baraque de guignol avait l’air d’une hutte abandonnée. Au loin dans les allées pleines de brouillard, des formes grises passaient, se croisaient et disparaissaient.

Dans la pépinière les arbres n’étaient pas moins noirs, et il ne restait aux pelouses qu’un semblant de verdure, mais les buis et les fusains conservaient toute l’épaisseur de leur feuillage d’été.

Dès notre entrée les moineaux nous reconnais-