Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/188

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cune de nous comprit bien qu’elle accablait d’injures l’énorme monstre qui la regardait tranquillement assis en penchant la tête. Puis, comme si elle eût mesuré d’un coup toute sa faiblesse, et compris que rien ne pourrait la sauver, elle vacilla et retomba en poussant une plainte aiguë. Et cela fut si pitoyable que Bouledogue saisit le chat par le milieu du dos et le jeta sur la table. Il redescendit très vite, mais la souris n’était plus là.

Le patron retourna à sa chaise longue, et on ne sut pas s’il était fâché ou content lorsqu’il dit :

— La voilà échappée.

Mme Dalignac respira fort, et ses deux poings qu’elle tenait serrés contre sa poitrine s’ouvrirent brusquement comme si elle-même n’avait plus rien à craindre.


Le lendemain de ce jour on s’aperçut que Gabielle souffrait. Elle arrêtait sa machine et se courbait en deux pendant une minute, puis elle reprenait son travail sans rien dire.

Bergeounette la plaisanta :

— Est-ce que c’est pour aujourd’hui ?

Et elle s’offrit à l’accompagner sans retard à la Maternité.

Gabielle avait peur de l’hôpital. On avait beau lui dire que la Maternité n’était pas un hôpital ; elle n’en croyait rien. Et, à l’idée d’y aller ainsi, tout de suite, sans pouvoir y réfléchir encore, sa répugnance augmentait, et elle affirma ne souffrir que d’un malaise passager.