Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/199

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soir, et il ne manquait jamais de courir avec Clément autour des arbres et des bancs.

Les deux fillettes avaient tout de suite fait des suppositions. « C’est moi qu’il veut pour femme », disait Rose, déjà belle comme une fille à marier.

« Si c’est moi qu’il aime, disait à son tour Églantine, il faudra bien qu’il attende que j’aie quinze ans. »

Tout en riant avec les deux sœurs, leur tante pensait comme Rose et faisait pour elle et son jeune frère de beaux projets d’avenir.

Cela avait duré jusqu’au soir où Dalignac s’était brusquement séparé des enfants pour marcher à côté de leur tante. L’air mystérieux du brodeur avait retenu les trois enfants à l’écart pendant tout le temps de la promenade, mais après son départ les deux jeunes filles avaient demandé avec ensemble :

« Est-ce moi qu’il aime ? »

« Ni l’une ni l’autre », avait répondu la tante.

Et en riant de leur déconvenue, elle leur avait appris que c’était elle-même que le brodeur venait de demander en mariage.

Ce souvenir, qui apportait aujourd’hui une grande gaîté aux deux femmes, ne fit cependant pas élever la voix à Églantine pour dire :

— Oui, et ton rire alors sonna si clair que j’ai vu pour la première fois tes beaux cheveux à reflets et ta taille bien mieux tournée que les nôtres.

Un peu de silence revint.