Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maisons étroites et hautes rencontrées sur le chemin lui faisaient vanter la largeur et la profondeur de celle où elle était née, et le jardin minuscule d’une belle villa, où des cailloux choisis remplaçaient la verdure, lui fit dire :

— Mon jardin à moi était plein de fleurs et de feuilles, et lorsque le soleil y entrait après la pluie, les feuilles prenaient des couleurs si rares et se paraient de gouttes d’eau si étincelantes qu’elles devenaient alors plus belles que les fleurs.

Comme je m’étonnais qu’elle ait pu quitter de son plein gré un endroit qui lui était si cher, elle répartit vivement :

— Le jardin m’a retenue trois ans après la mort de mes parents, mais la maison vide m’effrayait, le silence des nuits m’empêchait de dormir et ma santé déclinait.

Elle fit une longue pause pour reprendre ensuite :

— Et puis, le travail vint à manquer, les femmes ne m’apportaient plus leurs robes à faire.

Elle ajouta comme en colère :

— C’était ma faute aussi… Je portais mon chagrin comme une infirmité.

Il y avait de la rancune dans le son de sa voix, et j’osais alors lui demander :

— Qu’avez-vous fait le jour du mariage de votre fiancé ?

À ma grande surprise elle répondit simplement :