Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/224

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aide. Marinette, qui n’avait pas encore douze ans, cousait presque aussi bien que sa mère, et Charlet, qui venait d’avoir dix ans, gagnait quelques sous à vendre des fleurs après ses heures de classe. Le gamin montait rarement à l’atelier, il restait en bas pour surveiller ses petits frères tout en vendant ses fleurs. On entendait seulement sa voix grêle : « Fleurissez-vous, mesdames. »

Quelquefois c’était des citrons qu’il avait dans son panier. Il lui arrivait de l’oublier et d’inviter tout de même les dames à se fleurir.

Alors Bonne-Mère souriait et nous disait :

— Écoutez le fou.

Il en vint une autre que Bergeounette dénomma tout de suite Mme Berdandan.

Pour la première fois depuis la mort du patron, Mme Dalignac rit de bon cœur, tant le sobriquet allait bien à la nouvelle venue. Elle était si haute, si large et si lourde que le parquet tremblait à son passage, et elle avait un tel balancement dans la marche qu’on craignait un peu de la voir tomber sur soi.

Mais son caractère ainsi que sa voix n’avaient aucune lourdeur. Elle chantait en parlant et sa bouche ne s’ouvrait que pour dire des choses gaies ou apporter de bonnes nouvelles. « Une vraie cloche de bonheur » disait Bergeounette.

Et lorsque Mme Berdandan repartait avec son paquet entre les bras, Bergeounette ne manquait jamais d’imiter le son lent et sourd d’une énorme cloche qui se met en branle.