Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/225

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Bien différente était Mlle Grance malgré ses cinquante ans passés. Son petit corps bien fait s’accordait parfaitement avec son air naïf et sa voix enfantine, mais ses corsages manquaient toujours de longueur à la taille, tandis que ses jupes balayaient les bouts de fil et les épingles qui traînaient sur le parquet.

Pendant que Mme Dalignac vérifiait son travail et lui en préparait d’autre, elle se balançait sur la pointe des pieds et marmottait avec vivacité en regardant fixement le plafond. Duretour s’approchait d’elle sournoisement pour tâcher de comprendre ce qu’elle disait, mais elle n’y parvenait pas. Et chaque fois elle lui demandait :

— Vous faites votre prière. Mademoiselle ?

Chaque fois aussi Mlle Grance abaissait brusquement son regard, comme étonnée de se trouver là. Elle souriait sans répondre, reprenait son marmottage et son balancement. Puis, les coins de son enveloppe noués comme des bouffettes de ruban, elle emportait son paquet et gardait son secret.

Duretour, maintenant, n’avait pas une minute à perdre. C’était par pleines voitures qu’elle apportait les étoffes et reportait les vêtements. Les cochers de fiacre la connaissaient bien, sa jolie tournure et sa bonne humeur déridaient les plus grognons, et tous étaient heureux de la conduire malgré ses paquets encombrants.

À l’atelier, elle n’avait plus le temps de raconter les parties fines du dimanche ni d’énumérer des