Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/40

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tout à coup à danser sous le soleil. On dirait qu’elle balance les plis de sa robe. Et les vagues pleines d’écume lui font comme une multitude de jupons blancs.

Nous l’écoutions, et personne n’eût osé l’interrompre, quand elle récitait comme une litanie les noms des barques et des pêcheurs du petit port où elle était née :

« Notre-Dame de Souffrance », à Locmaël.

« La Volante », au gars Turbé.

« Le Forban », au vieux Guiscrif.

Le soir où elle parla des filets de pêche qui séchaient au bout des mâts, et qui flottaient plus fins et plus légers qu’un voile de mariée, elle assura fermement :

— Il y en a qui sont bleus comme la robe de la Vierge Marie les jours de mai.


Le lendemain de la Toussaint, je ne trouvai pas mes compagnes à l’atelier. Elles étaient au cimetière, et le patron me demanda pourquoi je n’y allais pas aussi.

Il pleuvait, et je répondis que j’aimais mieux travailler que d’aller me promener par le vilain temps.

Il cria comme s’il se fâchait :

— Ce n’est pas une promenade, c’est une visite à nos morts.

Un peu de gaîté me vint à le voir si furieux et je répartis en riant :

— Oui, mais moi, je n’ai pas de morts.