Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/41

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Il me regarda comme si je venais de lui dire une chose extraordinaire, et il sortit aussitôt pour se rendre lui-même au cimetière.

Mme Dalignac cousait déjà à la place de Sandrine. C’était la première fois que je me trouvais seule avec elle. Elle me regarda de la même manière que le patron, avant de dire :

— Vous avez de la chance de ne pas avoir de morts.

— C’est que je n’ai pas de vivants non plus, dis-je.

Elle s’arrêta de coudre avec un air d’étonnement très marqué, puis elle eut un mouvement des lèvres comme pour me poser une question, et enfin elle dit un peu vite :

— Lorsque vous êtes venue ici, je vous croyais aussi jeune que Duretour, mais par la suite, j’ai bien vu que vous aviez dépassé vingt ans.

Elle se tut, et il me sembla qu’une sorte de gêne l’empêchait de me regarder lorsqu’elle me demanda un instant après :

— Vous habitez seule ?

— Oui, madame.

Elle se tut encore. Ma réponse parut augmenter sa gêne. Cependant, elle reprit d’un ton enjoué :

— Vous avez bien un amoureux ?

— Non, madame.

Elle rougit en se reprenant :

— Je veux dire… un fiancé, enfin, quelqu’un qui vous aime.