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la corbeille pleine de tresses et d’agrafes était bien en ordre. On n’entendait plus les exclamations d’impatience ni les mots d’énervement quand il s’agissait de retrouver une dentelle ou une doublure tombées sous la table et que l’une de nous foulait aux pieds sans les voir.

Le patron ne heurtait plus les mannequins en passant d’une pièce dans l’autre, et Mme Dalignac avait son visage reposé, si agréable à regarder.

Tout le monde écoutait, lorsque Bergeounette chantait ou racontait une histoire. Elle avait une voix très voilée, et ses notes hautes faisaient penser à un mauvais sifflet ; mais ses notes graves étaient pleines et très douces à l’oreille.

Elle parlait avec facilité et ne pouvait souffrir les mots malsonnants. Et quand l’une de nous cherchait à savoir si un mot était français ou non, elle affirmait avec autorité :

— Je le sais, moi, j’ai mon brevet.

Bouledogue ne savait pas tourner ses phrases comme Bergeounette. Elle jetait les mots comme on jette une pierre, et il semblait toujours qu’elle allait démolir quelque chose.

Elle chantait rarement, quoique sa voix fût plus belle que celle de Bergeounette.

Depuis qu’on était moins pressées, elle était moins grognon, et un jour elle dit :

— Il faudrait que le travail soit toujours réglé ainsi.

Mme Dalignac s’approcha :

— Je le voudrais comme vous, dit-elle, mais