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mon cou ne remplissait plus le col de mon corsage.

Le patron me taquinait :

— Votre nez s’allonge, disait-il.

Sandrine riait avec moi, et Bergeounette affirmait que la lecture n’était pas meilleure que le pain sec.

Je ne plaisais guère à Bergeounette. Elle supportait mal de me voir rester une demi-journée sans parler ni remuer les pieds, et elle m’accusait de n’aimer que le silence.

Pourtant lorsqu’elle chantait ou racontait, je l’écoutais toujours avec un grand plaisir, et bien des fois, j’avais réclamé la suite d’une histoire que le patron avait interrompue.

Mon visage non plus ne lui plaisait pas. Elle disait qu’on ne savait pas comment il était fait. Elle regardait le sien dans une petite glace et, quand elle s’était assurée qu’il restait brun et d’aspect solide, elle s’étonnait que le mien soit tantôt pâle et flétri, comme si j’étais malade, et tantôt éclatant de fraîcheur, comme si je possédais la plus belle santé du monde. Et quoiqu’il n’y eût jamais de chicanes entre nous deux, nous paraissions séparées par un obstacle que ni l’une ni l’autre ne pourrait jamais franchir.

La petite Duretour ne tarda pas à venir passer quelques heures près de nous. Mais elle n’apportait rien à coudre. Sa gaîté suffisait à l’occuper. Elle s’amusait à sauter d’un pied sur l’autre et elle n’en finissait plus de raconter les parties fines