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qu’elle faisait le dimanche avec son fiancé. Elle singeait les actrices et les danseuses. Ou bien elle imitait les gestes apprêtés d’un garçon de restaurant, en train de découper une volaille de prix. Et pendant qu’elle faisait mine de découper la corbeille à fils, en tenant ses coudes en l’air et ses doigts en ailes de pigeon, elle semblait elle-même une volaille délicate et très précieuse.

Il y avait de longues discussions entre elle et Bergeounette au sujet des mets. Bergeounette parlait du ris de veau, qu’elle aimait beaucoup. Mais Duretour n’aimait pas le ris de veau. Elle disait avec une petite grimace de dégoût :

— C’est bon pour les vieux qui n’ont plus de dents.

Et elle riait en nous montrant les siennes qui étaient plus claires que de la porcelaine fine.

Elle parlait des théâtres et des restaurants, avec des détails qui faisaient dire au patron :

— Elle finira par tomber dans les grandeurs.

Cependant elle n’avait aucun désir de luxe. Elle avouait même se trouver souvent intimidée au milieu des gens du dehors.

Son fiancé n’était pas plus hardi. Un jour qu’ils avaient voulu jouer aux riches et qu’ils s’étaient fait conduire en voiture aux Champs-Elysées, tous deux étaient descendus de voiture pour regarder les gourmandises d’un confiseur. Mais ils étaient restés si longtemps devant la boutique que le cocher s’était endormi sur son siège. Ni l’un ni l’autre n’avait osé le déranger, et ils avaient fait