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Chaque jour il vomissait ses repas, et Bergeounette qui se moquait de tout nous disait :

— Il renverse encore sa soupière.

J’étais étonnée de ne pas voir venir le médecin et j’en parlai de nouveau à Mme Dalignac.

— J’y pense, me dit-elle, mais si je le fais venir, mon mari va se croire très malade.

Elle reprit avec un accent plein de désir :

— Si nous pouvions avoir la chance de ne plus faire de vêtements brodés.

Cette chance-là ne fut pas la nôtre, au contraire. Les clientes recommandaient expressément des broderies, beaucoup de broderies. Il fallait broder et rebroder tous les costumes, qu’ils fussent de laine, de toile ou de soie. On eût dit que la broderie était la seule chose digne de parer les femmes et qu’il ne leur serait plus possible de vivre sans cela.

— Elles sont folles, disait le patron.

Il s’évanouit encore à sa machine, et tandis que Bergeounette le soutenait pour l’empêcher de rouler à terre, je partis en courant chercher le médecin.

Quand il arriva, le patron buvait à petites gorgées une infusion chaude. Il se sentait beaucoup mieux et il me montra du doigt en riant :

— C’est cette jeunesse qui a pris peur.

Le médecin rit avec lui tout en s’informant de son malaise.

Il s’appelait M. Bon, c’était lui qui avait vu Sandrine. Il demanda à la revoir, et, quand il