Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/336

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mourir, sans ce que, vous autres, vous appelez confession.

La lune se levait dans l’est ; sa beauté calme et majestueuse me pénétrait d’un saint respect. Je la montrai du doigt au pirate, lui demandant s’il ne reconnaissait pas là l’œuvre et l’image d’un Dieu ? — Ah ! je vois où tu veux en venir ; toi, comme le reste de nos ennemis, tu n’as qu’un désir, c’est de nous exterminer jusqu’au dernier… Eh bien ! soit ; mourir, après tout, n’est pas si grand’chose ; et je crois bien que, si ce n’était la souffrance, on n’y songerait même pas. Mais, en réalité, tu t’es montré mon ami, et je veux t’en dire tout ce qu’il est convenable que tu saches.

Espérant toujours que ses pensées pourraient prendre un tour salutaire, je baignai de nouveau ses tempes, et arrosai ses lèvres de spiritueux. Ses yeux enfoncés semblèrent darder du feu vers les miens ; un lourd et profond soupir gonfla sa poitrine et s’efforça de se frayer un passage à travers sa gorge étouffée de sang. Il me pria de l’aider à se soulever un peu ; ce que je fis, et alors il me raconta quelque chose comme ce qui suit ; car, je vous l’ai déjà dit, son langage mêlé de français, d’anglais et d’espagnol, formait un jargon tel que je n’en avais jamais entendu, et que je suis tout à fait incapable d’imiter ; mais au moins je puis vous donner la substance de sa déclaration.

— Dis-moi d’abord combien de cadavres tu as trouvés dans le bateau, et comment ils étaient vêtus. — Deux, lui répondis-je ; et je lui décrivis leur habillement. — Très bien ! ce sont les corps des gueux qui me suivaient