Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/84

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tendu en avant, ses yeux sont sur le qui-vive, vigilants comme ceux de son ennemi ; ses larges ailes semblent supporter difficilement le poids de son corps, bien qu’elles battent l’air incessamment ; il paraît si fatigué dans ses mouvements, que même ses jambes sont étendues au-dessous de sa queue pour la seconder dans son vol. Il approche néanmoins, il approche ; et l’aigle l’a marqué pour sa proie. Au moment où le cygne va dépasser le sombre couple, complétement préparé pour la chasse, s’élance le mâle en poussant un cri formidable ; le cygne l’entend, et il résonne plus sinistre à son oreille que la détonation du fusil meurtrier.

C’est le moment d’apprécier toute la puissance dont l’aigle dispose : il glisse au travers des airs semblable à l’étoile qui tombe, et, rapide comme l’éclair, il fond sur sa tremblante victime qui, dans l’agonie du désespoir, essaie par diverses évolutions d’échapper à l’étreinte de ses serres cruelles. Elle monte, fait des feintes et voudrait bien plonger dans le courant ; mais l’aigle l’en empêche ; il sait depuis trop longtemps que par ce stratagème elle pourrait lui échapper, et il la force à rester sur ses ailes, en cherchant à la frapper au ventre. Bientôt tout espoir de salut abandonne le cygne ; déjà il se sent beaucoup affaibli, et sa vigueur défaille à la vue du courage et de l’énergie de son ennemi. Il tente un suprême effort, il va pour fuir… Mais l’aigle acharné, de ses serres le frappe en dessous au bord de l’aile, et le pressant avec une puissance irrésistible, le précipite obliquement sur le plus prochain rivage.