Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/83

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plus tempérées. Regardez : là, tout au bord du large fleuve, l’aigle, dans une attitude droite, est perché sur la dernière cime du plus haut des arbres, son œil étincelant d’un feu sombre, domine sur la vaste étendue ; il écoute, et son oreille subtile est ouverte à chaque bruit lointain, et de temps à autre il jette un regard au-dessous sur la terre, de peur que même le pas léger du faon ne lui échappe. Sa femelle est perchée sur le rivage opposé, et si tout demeure tranquille et silencieux, elle l’avertit par un cri de patienter encore. À ce signal bien connu, le mâle ouvre en partie ses ailes immenses, incline légèrement son corps en bas, et lui répond par un autre cri qui ressemble à l’éclat de rire d’un maniaque ; puis il reprend son attitude droite, et de nouveau tout est redevenu silence. Canards de toute espèce, sarcelles, macreuses et autres[1], passent devant lui en troupes rapides et descendent le fleuve ; mais l’aigle ne daigne pas y prendre garde, cela n’est pas digne de son attention. — Tout à coup, comme le son rauque du clairon, la voix d’un cygne a retenti, distante encore, mais se rapprochant. Un cri perçant traverse le fleuve, c’est celui de la femelle, non moins attentive, non moins alerte que son mâle. Celui-ci se secoue violemment tout le corps, et de quelques coups de son bec aidé par l’action des muscles de la peau, arrange en un instant son plumage. — Maintenant le blanc voyageur est en vue ; son long cou de neige est

  1. The Widgeon, the Mallard (Anas americana, Anas boschas vel fusca).