Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/11

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Plus de six semaines se sont écoulées ; le duvet des oisons, qui d’abord était moelleux et touffu, se change en une sorte de poil dur et roide ; les tuyaux commencent à leur pousser au bord des ailes, leur corps se hérisse de plumes, ils sont déjà grands et forts. Vivant au sein de l’abondance, ils deviennent si gras qu’ils marchent avec peine ; et comme ils ne peuvent encore voler, il faut les soins les plus assidus pour les préserver des nombreux dangers qui les menacent. Heureusement qu’ils croissent rapidement. Bientôt les jours brûlants d’août sont finis ; ils sont alors en état de voler d’un bord à l’autre de la rivière ; d’ailleurs, chaque nuit, la gelée blanche couvre la terre ; et quand la glace a joint les deux rives, la famille se réunit à la famille voisine, laquelle, à son tour, se voit augmentée de plusieurs autres. Enfin, l’hiver s’annonce ; ils ont prévu quelque violent tourbillon de neige : c’est le moment où les mâles, conducteurs de la troupe, donnent tous à la fois le signal du départ.

Après avoir décrit de larges cercles, ils s’enlèvent au sein de l’air raréfié ; et une heure ou plus est employée à instruire les jeunes de l’ordre dans lequel ils doivent s’avancer. Maintenant le bataillon a ses chefs, il s’élance, se déployant tantôt sur un front étendu, tantôt sur une seule ligne, quelquefois en forme de triangle. Les vieux mâles volent en tête, ensuite viennent les femelles, puis les jeunes successivement, selon leurs forces, les plus faibles composant toujours l’arrière-garde. Quand l’un se sent fatigué, il change de position dans les rangs, et se voit relevé de son poste