Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/118

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plumage bigarré de l’un des parents, et le vert de la tête de l’autre.

J’ai vu des nids de Canards sur de grosses souches brisées, à trois pieds de terre et dans le milieu d’une cannaie, à plus d’un mille de l’eau. Une fois je trouvai, dans les bois, une femelle à la tête de sa jeune couvée, que sans doute elle acheminait vers l’Ohio ; mais elle m’avait aperçu la première, et s’était cachée parmi les herbes, ayant autour d’elle toute sa famille. Quand je voulus approcher, ses plumes se hérissèrent, et elle se mit à siffler en me menaçant, comme aurait pu faire une oie ; pendant ce temps, les petits décampaient dans toutes les directions. J’avais un chien de première qualité, et parfaitement dressé à prendre les jeunes oiseaux sans leur faire aucun mal. Je le lançai sur leurs traces ; aussitôt la mère s’envola, mais en affectant de se soutenir à peine, et semblant prête à tomber à chaque instant. Elle passait et repassait devant le chien, comme pour le troubler dans ses recherches et en épier le résultat ; et quand les canetons, l’un après l’autre, m’eurent été rapportés et que je les eus mis dans ma gibecière, où ils criaient et se débattaient, elle vint d’un air si malheureux se poser tout près de moi, par terre, roulant et culbutant presque sous mes pieds, que je ne pus résister à son désespoir. Je fis coucher mon chien, et avec une satisfaction que comprendront ceux-là seulement qui sont pères, je lui rendis son innocente famille, et m’éloignai. En me retournant pour l’observer, je crus réellement apercevoir dans ses yeux une expression de gratitude ; et cet