Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/150

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seulement alors que tout était tranquille et qu’on n’y voyait presque plus. Qu’il y eût ou non de la neige sur la terre, elle ne manquait pas d’en ressortir à la première lueur de l’aube. Par moments, elle se mettait à courir, en étendant la seule aile qui lui restât, puis faisait plusieurs sauts en criant, comme inquiète et désireuse de s’en retourner au séjour de la liberté ; ou bien, elle regardait vers le ciel, et semblait appeler à grands cris quelque connaissance passant là-haut dans les airs ; mais elle reprenait son ton de voix ordinaire, chaque fois que sa camarade, l’oie de neige, faisait entendre son propre signal. Rarement avalait-elle un morceau sans le porter auparavant à l’eau où elle le plongeait plusieurs fois, et même elle se serait dérangée d’assez loin tout exprès pour cela. L’hiver fut très rude, puisque le thermomètre, dans certaines matinées, descendit jusqu’à dix degrés ; cependant elle n’en engraissait pas moins et semblait se porter parfaitement. Le naturel soupçonneux était si fort chez elle, que je la voyais s’approcher à pas lents de quelques feuilles de chou, les regarder de côté l’une après l’autre, avant d’y toucher ; et quand après tout, il lui arrivait par mégarde d’en lancer quelqu’une en l’air, en voulant la déchirer, aussitôt elle se sauvait, comme si l’ennemi eût été à ses trousses.

Je n’ai point eu la satisfaction de voir, par moi-même, les lieux où nichent ces Grues ; mais je sais qu’elles ont souvent des petits, longtemps avant l’entier développement de leur plumage. Celles dont mon excellent ami, le prince Charles Bonaparte, a cru devoir