Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pauvre, mais d’un cœur excellent. Elle nous dit qu’en cas que nous ne pussions traverser la rivière, elle nous hébergerait pour cette nuit ; mais, ajouta-t-elle, comme la lune est levée, je vous passerai dès que mon bateau sera revenu. Morts de faim et n’en pouvant plus, nous nous étendîmes sur l’herbe brûlée du soleil, en attendant notre maigre souper, ou l’esquif qui devait nous transporter de l’autre côté de la rivière. Déjà j’avais égrugé le grain, attrapé les poulets et j’allumais du feu, lorsque le cri : « Le bateau, le bateau », nous fit tous lever. Nous traversâmes la moitié de l’Ohio, franchîmes l’île de Cumberland, et nous trouvâmes bientôt dans le Kentucky, la terre natale de mes enfants chéris. Je n’étais plus maintenant qu’à deux ou trois milles du lieu où, quelques années auparavant, j’avais eu mon cheval tué sous moi par la foudre.

Inutile de vous énumérer tout au long nos diverses stations et les rencontres que nous fîmes, avant d’atteindre les bords de la Rivière verte. Nous étions partis de Trinité le 15 octobre à midi ; et le 18 au matin, on eût pu voir quatre voyageurs qui, descendant une montagne, contemplaient, dans le lointain, les rayons du soleil réfléchis sur un horizon de forêts. L’épaisse gelée blanche qui recouvrait la terre et les clôtures des champs, étincelait à la lumière et fondait peu à peu. Que toute la nature semblait belle, dans son silence et dans son repos ! Mais les jouissances que j’éprouvais en admirant cette magnifique scène étaient bien troublées par l’état où je voyais mon fils : Il ne faisait plus que se traîner, comme un oiseau dont l’aile est brisée ; les