Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ou six, d’autres peut-être jusqu’à dix. Les feuilles, les branches et les bourgeons étaient en quelque sorte tout blancs de fiente. Le thermomètre, à l’ombre, marquait 90 degrés[1], et les effluves délétères qui imprégnaient l’air des canaux nous incommodaient extrêmement. Les mangliers étaient en pleine floraison ; mais les Cormorans n’avaient encore rien perdu de leur vigueur. Nous mîmes notre bateau en sûreté, et nos gens commencèrent à rôder parmi les buissons pour chercher des œufs. La plupart des oiseaux sautèrent dans l’eau et plongèrent, ne reparaissant plus que hors portée ; d’autres s’envolaient par troupes avec les marques d’une vive frayeur, tandis qu’un grand nombre restaient en place sur les branches ou sur leurs nids, comme si nous eussions été des êtres entièrement étrangers pour eux. Mais hélas ! ils n’apprirent que trop tôt à nous connaître, lorsque chaque décharge de nos carabines eut porté le ravage dans leurs rangs. Les morts flottaient sur l’eau, les blessés tâchaient de sortir des défilés et de gagner la mer ; des troupes de cent ou plus, semblant attendre l’événement, nageaient assez loin de nous, pour que nos coups ne pussent les atteindre ; tandis que d’autres, pressés du désir de revenir à leurs nids, planaient au-dessus de nous en silence. En peu de temps, le fond de notre bateau fut jonché de cadavres ; on ramassa des œufs à pleins cha-

  1. Nous rappellerons, encore une fois, qu’il s’agit ici du thermomètre de Fahrenheit, en usage en Angleterre et dans l’Amérique du Nord ; 90 degrés équivalent à 32 et une fraction du thermomètre centigrade.