Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/252

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peaux, et nous fîmes enfin trêve à notre œuvre de destruction. Excusez ce massacre, cher lecteur ; car, en vérité, si j’ai versé tant de sang, c’est que, sur les Clefs de la Floride, avec un soleil brûlant sur ma tête, et la sueur me dégouttant de chaque pore, je pensais encore à vous, comme j’y pense en ce moment, où je suis paisiblement à vous écrire l’histoire de ces oiseaux, dans l’une des confortables et fraîches demeures de la plus belle de toutes les cités de la vieille Écosse.

Les Cormorans de la Floride s’accouplent dès les premiers jours d’avril, et commencent leur nid environ une quinzaine après. Il en est cependant beaucoup qui ne se mettent pas d’aussi bonne heure à l’œuvre ; et jusqu’au milieu de mai, j’en ai vu qui faisaient encore leurs préparatifs. C’est l’eau qu’ils choisissent pour théâtre de leurs amours. Le 8 du même mois, par une belle et très chaude matinée, je poursuivais mes recherches sur l’une des îles dont j’ai parlé, lorsque j’arrivai à l’entrée d’un canal étroit et profond, presque entièrement couvert par des branches de mangliers et quelques grandes cannes, les seules que j’eusse jusqu’ici remarquées dans ces parages. Je fis halte, examinai l’eau, et la voyant remplie de poissons, m’assurai que là, du moins, je n’avais à craindre la dent d’aucun requin. En conséquence je m’y engageai tranquillement, après avoir armé mon fusil des deux coups. Mais bientôt des sons étranges parvinrent à mon oreille ; les poissons semblaient ne pas s’inquiéter de ma présence, et j’avais ainsi marché au milieu d’eux, la longueur d’environ cent mètres, lorsque je m’aperçus qu’ils ve-