Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/263

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Cependant, au bout de quinze jours, le pain manqua, et deux de nos camarades furent dépêchés, pour tâcher de nous en avoir, vers un village situé sur la rive occidentale du Mississipi. À la rigueur, nous eussions pu le remplacer par du blanc de dindon ; mais du pain est toujours du pain, et l’homme civilisé se passerait de tout autre aliment plutôt que de celui-là. L’expédition quitta le camp avec l’aurore. L’un de nos envoyés faisait grand bruit de sa connaissance des bois, l’autre suivait et ne disait rien. Ils marchèrent toute la journée et revinrent le lendemain matin, les paniers vides. Une seconde tentative fut plus heureuse : ils nous rapportèrent, sur un traîneau, un baril de farine et des pommes de terre. Quelque temps après arrivèrent plusieurs Indiens, et l’étude de leurs manières et de leurs mœurs fut pour nous une utile et bien agréable distraction.

Nous étions là depuis six semaines ; les eaux avaient toujours été en baissant, et couché sur le flanc, notre bateau était resté complétement à sec. Sur les deux rives du fleuve, les glaçons amoncelés formaient de véritables murailles. Chaque jour, notre pilote venait voir quel était l’état des choses, et s’assurer par lui-même s’il n’y avait pas d’apparence de changement. Une nuit nous dormions tous d’un profond sommeil, sauf lui, qui se leva subitement en criant de toutes ses forces : La débâcle, la débâcle ! au bateau ! garçons, prenez vos haches ; et vite, ou tout est perdu ! Réveillés en sursaut et nous précipitant, comme si nous eussions été attaqués par une bande de sauvages, nous cou-