Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/322

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quand je le vis dévorer, tout en volant, le pauvre oiseau, sans plus de souci ni de gêne que n’en montrerait le faucon du Mississipi[1], pour avaler, au haut des airs, un lézard à gorge rouge qu’il aurait ramassé sur quelque arbre majestueux, dans les bois de la Louisiane.

Nous avions à bord une favorite, appartenant à notre capitaine, et qui n’était rien moins que la compagne d’un coq, ou, en d’autres termes, une simple poule. Les uns l’aimaient, parce que de temps en temps elle nous pondait un œuf frais, chose assez rare en mer, même sur le Délos ; d’autres, pour le plaisir qu’ils trouvaient à la jeter par-dessus le bord et à la voir se débattre des pieds et des ailes, avec terreur, et tenter les derniers efforts pour regagner sa maison flottante, ce qu’elle n’aurait jamais pu faire, sans la généreuse assistance de notre bon capitaine. L’excellent cœur ! quelques semaines après, la malheureuse poule tomba par hasard à l’eau ; nous filions alors grand train ; et je crus apercevoir une larme dans ses yeux, quand il la vit flotter haletante et bientôt disparaître dans notre sillage. — Mais pour le moment, nous sommes encore en calme, et maudissant de tout notre cœur la tyrannie du vieil Éole.

Une après-midi nous prîmes deux requins ; dans l’un, c’était une femelle d’environ sept pieds de long, nous trouvâmes deux petits tout vivants et qui ne demandaient qu’à nager, ainsi que l’expérience nous le prouva. En effet, nous en jetâmes un à la mer, et de suite il

  1. Falco plumbeus, Gmel.