Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/323

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plongea, comme s’il eût été de tout temps habitué à se suffire à lui-même. On avait séparé l’autre en deux ; mais la tête remuait encore et semblait vouloir s’échapper. Le reste du corps fut coupé en morceaux, ainsi que la mère, pour servir d’amorce aux dauphins, qui, je le répète, sont friands de cette chair.

Notre capitaine, toujours empressé de me procurer quelque distraction, vint m’avertir qu’il y avait une foule de perches marines sous notre poupe ; et des hameçons furent immédiatement préparés pour cette pêche. Maintenant on sentait un peu d’air sur nos têtes, les voiles s’entr’ouvraient à la brise, et sous leur impulsion le vaisseau commençait à se mouvoir. Le capitaine et moi, nous nous mîmes à la fenêtre de la cabine ; nous avions chacun un bon hameçon, une ligne de fil, quelques petits morceaux de lard ; et notre amorce descendait à peine au milieu de la troupe frétillante, que, l’un après l’autre, les petits poissons venaient mordre en se suivant de si près, qu’en moins de deux heures, si je m’en rapporte à mon journal, nous en enlevâmes trois cent soixante-dix. Quel régal, quelle délicieuse friture ! Si jamais, par même calme, je me trouve retenu dans le golfe du Mexique, je n’oublierai pas cette perche. Celles que nous venions de prendre avaient à peine trois pouces de long ; elles étaient maigres, de forme épaisse, et ne nous en fournirent pas moins un excellent repas. C’était plaisir de les voir se tenir en masse compacte à l’abri près du gouvernail ; elles étaient si voraces, qu’à l’approche seule de notre appât elles sautaient hors de l’eau, comme fait parfois le poisson-soleil dans