Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/355

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la nuit commençait à venir, la pluie tombait par torrents et l’air était extrêmement froid. On planta en terre les avirons pour servir de supports à quelques couvertures, et à grand’peine un petit feu fut allumé devant lequel on prépara un maigre repas. Quelle différence avec un campement sur les bords du Mississipi ! Là, où le bois est abondant et l’air généralement si doux ; où les moustiques, bien qu’assez communs, ne sont pas du moins accompagnés de l’insupportable cortége des mouches du renne ; où les jappements du joyeux écureuil et les notes plaintives de la chouette nébuleuse, ce grave bouffon de nos bois de l’Ouest, ne manquent jamais d’arriver à l’oreille du chasseur, tandis qu’il coupe, à droite et à gauche, les branchages et les roseaux dont il veut se bâtir un abri ! Au Labrador, rien de semblable : il ne voit autour de lui que mousse et granit ; le silence du tombeau l’enveloppe de toutes parts ; et quand les voiles de la nuit ont caché à ses regards cette lugubre scène, les loups s’approchent pour dévorer les restes de son chétif souper. Couards comme ils sont, ils ne se hasardent pas à vous attaquer ; mais leurs hurlements troublent votre sommeil. Vous vous rôtissez les pieds pour les maintenir chauds, et, pendant ce temps, votre tête et vos épaules gèlent. Enfin apparaît l’aurore, non plus souriante et les joues roses, mais tristement enveloppée d’un manteau de brouillard qui vous annonce, hélas ! tout autre chose qu’un beau jour. L’expédition dont je parle avait pour objet de se procurer quelques hiboux qu’on voyait voler dans la journée ; elle ne produisit absolument rien, et nos gens,