Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/467

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À la vue de ces odieux envahisseurs, les oiseaux effrayés s’envolent avec un battement d’ailes qui ressemble au roulement du tonnerre, et fuient avec tant de précipitation, qu’ils s’embarrassent les uns dans les autres ; de sorte que des milliers sont forcés de redescendre et de s’amonceler en tas de plusieurs pieds de haut ; dès lors les hommes n’ont plus qu’à tuer, jusqu’à ce que leurs bras soient fatigués de frapper, ou qu’ils trouvent en avoir assez assommé. M. Godwin me racontait que, précisément pour le même objet, et pendant dix saisons consécutives, il avait visité le roc aux Fous, ajoutant qu’une fois, à six qu’ils étaient, ils en avaient détruit cinq cent quarante en moins d’une heure ; et quoique la plupart des oiseaux survivants eussent quitté leur voisinage immédiat, tout l’espace autour d’eux, à la distance de cent mètres, était encore encombré de Fous restés sur leurs nids, tandis qu’une multitude d’autres remplissaient les airs. Quant aux morts, on les dépouille tout à la grosse ; la chair de la poitrine est découpée par morceaux qui se conserveront, pour servir d’appât, pendant quinze jours ou trois semaines. Enfin, la destruction que l’on fait de ces oiseaux est telle, que leur chair suffit, comme amorces, à quarante bateaux pêcheurs qui fréquentent ainsi, tous les ans, les parages de l’île Brion[1]. Vers le 20 mai, le rocher est couvert d’oiseaux qui couvent, et environ un mois après les petits éclosent. Les Fous, comme nous l’avons déjà dit,

  1. Une des îles de la Madeleine, dans le golfe Saint-Laurent.