Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ailleurs. Bien différente est la marche du franc, du hardi, du brave marin, qui n’a pas besoin de masque, dédaigne la ruse, et dans toute occasion, se montre la face à découvert. Leur vaisseau même est ignoble comme eux : ses voiles ne sont qu’un rapetassage de lambeaux d’étoffes volées, dont les propriétaires, après avoir probablement échoué sur quelque côte inhospitalière, ont été pillés et peut-être massacrés par les misérables qui sont devant nous ; ses flancs ne sont ni peints, ni même goudronnés, mais tout bonnement barbouillés ; on les a plâtrés et raccommodés avec quelques peaux de veau marin grossièrement cousues ensemble ; son pont n’a jamais été lavé ni sablé ; sa cale, car il n’a pas de cabine, bien qu’à vide pour le moment, exhale une odeur de charnier. Les huit gredins dont se compose l’équipage dorment étendus au pied de leur mât qui chancelle, sans souci des réparations dont chacun de leurs agrès a tant de besoin. Mais voyez : le voilà qui se hâte ; tout en lui nous annonce un mauvais dessein ; suivons-le.

Il glisse, il glisse sur les flots, l’impur maraudeur ! Il commence à se faire tard ; la bande a mis la barque en mer ; ils sautent dedans, s’y assoient et sont armés chacun d’un fusil tout rouillé. L’un d’eux dirige l’esquif vers une île où depuis des siècles nichent des milliers de guillemots, objet de leur convoitise et but de leur rapine. À l’approche des lâches voleurs, des nuées d’oiseaux s’envolent du roc, remplissent les airs, et tournoient en criant sur la tête de leurs ennemis. Des milliers d’autres encore sont demeurés dans leur atti-