Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/70

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couverte d’énormes cyprès dont les troncs, montant sans branches jusqu’à une cinquantaine de pieds, s’élancent du milieu des eaux noires et bourbeuses. Plus haut, leurs larges cimes s’étendent, s’entrelacent et semblent vouloir séparer les cieux de la terre ; à travers leur sombre voûte pénètre à peine un rayon de soleil. Cet espace fangeux est encombré de vieilles souches qui disparaissent sous les herbes et les lichens ; tandis que dans les endroits plus profonds s’épanouissent les nymphéas, auxquels se mêle une foule d’autres plantes aquatiques. Le serpent congo[1], le moccasin des eaux[2] glissent devant vous et se dérobent à votre vue ; vous entendez le bruit que font les tortues effrayées qui se laissent tomber de dessus les troncs flottants, d’où plonge aussi le perfide alligator en enfonçant sa tête monstrueuse sous l’infect marais. L’air est imprégné de vapeurs empestées, au milieu desquelles s’agitent et bourdonnent des milliers de moustiques et toutes sortes d’insectes ; le coassement des grenouilles, les rauques clameurs des anhingas et les cris des hérons, font une musique digne de la scène. Embourbé jusqu’au genou dans la vase, vous déchargez votre fusil sur l’un des nombreux oiseaux qui couvent au-dessus de votre tête ; mais alors s’élève un tel vacarme, que c’est à ne plus rien entendre. Les oiseaux épouvantés se croisent confusément dans leur fuite ; les petits cherchent à se sau-

  1. Congo-snake (Amphiuma means, Harlan).
  2. Water-moccasin (Crotalus piscivorus, Latreille).