Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

essais, nous reconnûmes que, de toutes les friandises avec lesquelles nous cherchions à l’allécher, ce qu’il préférait décidément en cette saison, c’était des crapauds vivants. Nous en avions grande abondance aux environs de notre village. Soit instinct, soit raison, on les voit rôder ou chercher leur vie, ordinairement à la fin ou au commencement de la nuit, pendant le clair de lune, et surtout après une ondée ; mais ils sont incapables de supporter la chaleur du soleil, quelques instants avant ou après midi. En Amérique, il y a bon nombre de ces immondes animaux, spécialement dans les régions de l’ouest et du sud ; et nous n’y manquons pas non plus de grenouilles, serpents, lézards, ni même de cette espèce de crocodiles que nous nommons alligators : c’est qu’aussi tous, tant qu’ils sont, ils trouvent là facilement à vivre, et que nous les laissons ramper, sauter et frétiller à leur aise, suivant les goûts divers qu’ils ont reçus de celui qui a créé et qui dirige chaque chose.

Donc, pendant tout le mois de mai, et même jusqu’à l’automne, nous eûmes des crapauds à discrétion. J’imagine que plus d’une délicate lady se serait trouvée mal, ou du moins n’aurait pas manqué de jeter les hauts cris et d’avoir ses nerfs rien qu’à regarder dans nos paniers où grouillaient ces animaux, tous bien portants et dodus. Heureusement nous n’avions ni princesse de tragédie, ni vieille fille sentimentale à Henderson ; nos dames du Kentucky ont assez de leurs propres affaires, et si par hasard elles se mêlent de celles d’autrui, ce n’est que pour rendre service le plus qu’elles