Page:Augier - Théatre complet, tome 5, 1890.djvu/87

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Fernande.

Que les hommes ont de peine à être sincères ! J’ajouterai pour vous mettre à votre aise que, si vous m’épousiez par amour, je croirais de ma loyauté de vous refuser : car il y aurait entre nous une inégalité de sentiments qui ferait votre malheur, pour peu que vous ayez de délicatesse dans l’âme.

Le Comte.

Alors… s’il n’y a pas précisément chez moi ce qu’en langage mondain on appelle de l’amour, croyez bien qu’il y a du moins tous les sentiments que l’époux doit à l’épouse.

Fernande.

À la bonne heure ! mais ces sentiments-là ne sont pas assez violents pour pousser un gentilhomme à une mésalliance. Vous avez donc un motif particulier. Je ne doute pas qu’il ne soit parfaitement honorable, et si je tiens à le connaître, c’est uniquement pour ne pas laisser l’ombre d’une arrière-pensée dans l’estime que je veux faire de mon mari. — Vous hésitez à répondre ?

Le Comte.

Non, mademoiselle. Je vous épouse par déférence aux désirs de mon cousin… déférence qui m’est bien douce, je vous assure

Fernande.

J’aurais dû le deviner : du moment qu’il ne s’oppose pas à cette mésalliance, c’est qu’il l’ordonne.

Le Comte.

Il a pour vous une affection…