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Quelle école, la rue ! Les gestes sont naturels, les draperies tombent bien… La démarche de ces jeunes femmes qui vont à l’église, sans modestie affectée, le buste droit, le pas ferme, dans la rue paisible de la petite ville… Ce ne sont pas des femmes du monde, de ces chairs diaphanes, traitées aux plus précieux parfums, où la vie craindrait de se laisser voir, où l’âme se cache. Je parle d’êtres simples, vrais et sains, bien vivants, de ces femmes prédestinées à la joie et au sacrifice, que nous aimons et que nous faisons souffrir.

Dans l’heure de la colère, quand nous avons abusé de leur patience, des éclairs jaillissent d’elles, et des voix prophétiques dont l’accent nous étonne et se grave dans notre mémoire et en ressurgira soudain, quand ce sera nécessaire, pour nous rappeler au devoir.

… Cette enfant de la race, assise sur les marches de la porte, figure paysanne et fine, donnera, à la deuxième génération, des fruits d’une très grande beauté. — Quelle page blanche encore ! Quelle paix !

La femme, c’est le Graal véritable. Elle n’est jamais plus belle que dans l’agenouillement ; les Gothiques y ont pensé. L’église extérieure est une femme agenouillée.

La province est pleine encore d’admirables réserves de richesses morales. On y rencontre sans cesse cette profondeur du sentiment qui est dans notre sang, tel que nous l’avaient transmis nos ancêtres. C’est là que se recrute inépuisablement l’admirable abnégation du marin, du soldat, de l’aviateur. Ce merveilleux courage qui fait douter du mal ! Il y a là des éléments encore pour une humanité vraie.


IV


Le temps des raisonneurs est revenu. Comme toujours, ils bavardent, ils pérorent savamment ; ils ne veulent admettre que ce qu’ils peuvent comprendre. Ils dissertent sur l’art du Moyen Âge et posent mille questions, qu’ils laissent presque toutes sans les résoudre ; pour chacune des autres, ils proposent plusieurs systèmes…

Mais, raisonneurs, un simple compagnon de jadis n’y mettait pas tant de