Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/271

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Mais contre une œuvre absolument belle le vandale, s’il ne la réduit pas en poussière, ne peut rien : le plan subsiste, et grâce à lui je reconstitue l’œuvre tout entière, en ôtant de mon regard la blessure.

Non plus les coups du temps ne nous privent de la Beauté. Le temps est infiniment juste et sage. Son action sur nos œuvres les use, mais il rend presque autant qu’il prend. S’il atténue les détails, il ajoute aux plans une grandeur nouvelle, un caractère vénérable.

Les vrais ennemis de l’architecture et de la sculpture, ce sont les mauvais architectes et sculpteurs, — les grands chirurgiens à la mode, qui prétendent « refaire », artificiellement, au malade les membres qu’il a perdus. — O ces artistes qui font de l’art « par délibération » ! et par imitation !

Il faut étudier, étudier soi-même.

Ce que je fais, moi, est peu de chose et tient peu de place. Mais l’œuvre de nos Anciens ! Elle couvre notre sol ! C’est partout, chez nous, que vous pouvez la voir. Et j’ai ce mérite : je l’ai vue, afin de pouvoir vous en parler, afin de vous inspirer le désir de la voir à votre tour. Le peuple n’a pas le moyen d’entreprendre de telles études, il se rend utile autrement. Les « travailleurs » n’ont pas le loisir de fouiller ce nouvel Herculanum, la Cathédrale. Je l’ai fait pour eux. Par mes années de labeur, je me sens devenu le frère des autres travailleurs, le frère des grands laboureurs. Je serais heureux qu’ils voulussent bien accepter le fruit de mon travail, mon expérience.

Ainsi, je prends par la main chacune de nos provinces, nos villes et leur orgueil ; à Paris, d’où elles pourront rayonner au delà des limites du pays, je réunis ces richesses. Elles sont à tous ! Chacun peut se dire : Je suis riche.


Ce n’est pas que je prétende avoir tout compris, oh ! non. J’ai avoué mes méprises ; j’en pourrais noter beaucoup d’autres. Il y a tant de beautés dans cette beauté ! L’impression ressentie, si forte qu’elle soit, n’est jamais définitive. Au premier regard, on est étonné, l’esprit fait des efforts, des bonds énormes pour s’assimiler la pensée de l’artiste. Mais la loi reste au delà et, comme les nuages qui montent à l’horizon, les obser-