Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/378

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parlent dans la voix des cloches ! Ces trois coups de l’Angélus, qui frappent doucement le ciel, ne connaissent d’obstacle ou de limite ni dans l’espace ni dans le temps ; ils nous viennent du fond du passé et ils rejoignent nos frères chinois, et les vibrations profondes du gong…

Cette sonnerie hautaine : d’abord, c’est comme si des Dieux discouraient ; puis, c’est un tapotement, comme une assemblée de femmes qui parleraient toutes à la fois ; enfin, la voix de la cloche s’éteint lentement et expire, puissante encore, sur cette douce ville de province dont l’âme est fille de l’honorable simplicité, tandis que Paris est la fille internationale des orgueils.


Ces arcades, éclairées parmi l’ombre, sont en ruine. Avec elles l’esprit reste suspendu dans l’air et dans le temps.

Les colonnes, dans la lumière qui les frappe : un linge blanc aux plis droits, les plis rigides du surplis sacerdotal. Mais quand elles s’éclairent elles évoquent des soldats à la parade, dans une attitude respectueuse dont rien ne fléchira la ligne droite. Et puis, la flamme faiblit, et les colonnes prennent des aspects de fantômes.


Extérieur :

Sur cette place silencieuse, dans l’immobilité de la nuit, la Cathédrale a l’air d’un grand navire à l’ancre.


La pluie, qui depuis des siècles verse ses rafales sur ces dentelles, les a encore amenuisées, perfectionnées. Qu’il est loin le temps où ces merveilles étaient dans leur nouveauté ! Les Gothiques sont, maintenant, aussi loin de nous que les Grecs.


Tous les rois de France sont dans cette ombre, dans cette tour majestueuse qui surplombe…

Le jour point. La lumière se ramasse : elle atteint l’église par de larges touches, éclabousse les colonnes maîtresses, les colonnettes ajourées, les boudins clairs en profils perdus, tandis que des ombres glissent d’en dessous… Brève demi-heure de délices.