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Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/463

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pays. Ils ont reproduit la grâce que Dieu a répandue à pleines mains sur les visages des femmes de leur temps, comme de celles du nôtre. Les saintes de pierre, qui nous racontent leurs douleurs et leurs espérances anciennes, sont de ce coin de France, et d’aujourd’hui.


Ce qui n’est que de maintenant, hélas ! c’est la folie de la restauration. Cette œuvre de pharisiens trouble ma joie ; mes yeux, en train d’admirer, en quête de nouveaux motifs d’admiration, soudain sont blessés.

Ces pharisiens procèdent de la lettre, qui tue, et ils disent : « Voyez, nous opérons selon les meilleures recettes… » Recettes infaillibles, en effet, pour détruire. Elles ont tué quelques-uns des vitraux qui étaient parmi les plus précieux motifs de la gloire de Chartres. Elles ont tué les pilastres, que même en plein été, même en plein jour on ne voit plus, parce que la nature et l’économie de la lumière ont été changées.

Comment peut-on ne pas comprendre que les Gothiques, en modelant la lumière et l’ombre comme ils faisaient, savaient ce qu’ils voulaient et comment ils réalisaient leur désir ? qu’ils obéissaient, à la fois, à une science absolue de l’harmonie et à d’inéluctables nécessités ? — Pourquoi faut-il que le mauvais goût actuel ne se contente pas des laideurs qu’il produit ? Pourquoi, en outre, insulte-t-il au passé et nous prive-t-il de la part de bonheur que la Cathédrale nous avait dédiée, pour toujours ? À Chartres, voyez quelle délicieuse entrée nous préparent les histoires merveilleuses racontées par les sculptures et les ornements du portail : ce sont des scènes qui se déroulent et s’enroulent comme les caprices d’un rêve très net et très délicat. Mais des restaurations affreusement bas-relief s’y mêlent ; ce ne sont que des réparations dures et sèches. Car le sens de la ronde-bosse, qui est douce et essentiellement de style, qui est l’âme même de ce style, les auteurs de ces réparations ne l’ont pas ; peut-être est-il perdu…