Aller au contenu

Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les fenêtres au moyen de tableaux peints sur verre, qui ne sont plus des vitraux. — Il n’y a rien, dans tout l’âge gothique, de comparable aux trois vastes verrières qui remplissent, à Chartres, les trois larges et hautes fenêtres percées dans le mur occidental.

Le style qui produit le vitrail ressuscite la sculpture.

Elle était restée stérile pendant cinq siècles, si toutefois, car là-dessus on discute, l’époque mérovingienne n’a pas eu une sculpture personnelle. On donne de cette stérilité diverses raisons : la répugnance des prêtres et des peuples chrétiens aux représentations anthropomorphiques, la décadence des arts romains, les progrès des arts apportés ou plus volontiers cultivés par les Barbares, notamment l’enluminure et l’orfèvrerie. Mais, après une période d’essais très fortement empreints de l’esprit oriental, la Cathédrale, au XIIe siècle, revêt cette splendide parure de pierres sculptées et polychromées, la statuaire romane.

Le pays se partage, selon les sympathies des provinces entre elles, en plusieurs écoles qui rivalisent par la justesse et l’ingéniosité de l’adaptation des œuvres sculpturales à l’architecture, par l’intensité de l’expression, par les raffinements d’élégance et les adresses de technique. Et ce sont partout des Nativités, des Crucifixions, des Ascensions, des Visions apocalyptiques, des Jugements derniers, des scènes de l’Ancien Testament, des figures de prophètes et d’apôtres, de saints et de martyrs, d’évêques et d’abbés, le Christ et la Vierge de majesté, les vertus et les vices, une immense multitude d’images douces et graves, familières ou solennelles, dont l’art achevé témoigne d’une intense spiritualité et, tout à la fois, d’un sentiment délicat de la convenance, d’un sincère amour de la réalité : les modèles de ces chefs-d’œuvre partagent la vie des artistes qui les ont taillés, ce sont les hommes et les femmes qui vivent sous leurs yeux : promus, pour les nécessités de la représentation, aux plus hautes dignités dans la hiérarchie céleste ou hagiographique, ils gardent les traits spécifiques de la race et de l’individualité.

Laquelle, entre ces antiques écoles de l’Auvergne, du Languedoc, de la Bourgogne, de l’Île-de-France, de la Saintonge associée avec le Poitou, produisit le plus de ces vermeilles ? Les bénédictins de Cluny, qui paraissent avoir donné l’essor à cet art national, en réservèrent-ils les plus glorieuses créations à leur toute-puissante abbaye ? Faut-il préférer l’illustration des saisons, des différents tons de la musique, des sept Vertus, des âges du monde, qu’ils firent