Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/84

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humaine par deux voies aussi divergentes l’une de l’autre qu’elles s’écartent toutes deux de celle où l’homme s’est lassé de marcher : et c’est précisément l’exemple qu’elle nous propose à l’instant où le moyen âge finit, où l’ère moderne commence. La Réforme et la Renaissance n’ont pas plus de sympathies l’une pour l’autre qu’elles ne s’accordent toutes deux avec la pensée religieuse dont vécut le moyen âge. Elles ne sont harmoniques que dans la mesure où elles réagissent, par la dispersion des activités, par la création de catégories nouvelles et, dès leur établissement, incommunicables entre elles, contre l’esprit médiéval qui est essentiellement l’esprit d’unité.

C’est, croyons-nous, dans cette réaction contre l’esprit d’unité seulement que se manifeste le caractère vraiment nouveau de l’époque qui commence au XVIe siècle ; car, pour le reste, il n’y a pas autant de différences qu’on l’a dit, quant aux influences subies et aux prédilections marquées, entre les temps qui précèdent la Renaissance et ceux qui la suivent. Pour le fond des dogmes, catholicisme et protestantisme ne sont-ils pas deux formes du même christianisme ? Ne trouvera-t-on pas dans l’une et l’autre religions les mêmes forces morales et les mêmes faiblesses, le même héroïsme et la même intolérance ? Les belles unités humaines seront-elles plus rares ici ou là ? Surtout, les valeurs intellectuelles montreront-elles beaucoup d’inégalité ? On l’a dit : « Quand il s’agit surtout d’étudier les dispositions intimes des âmes pour mieux connaître les aptitudes des intelligences, il n’y a pas un écart considérable d’une croyance à l’autre[1]. »

Il y a autant d’harmonie esthétique entre l’art de la Renaissance et l’art du moyen âge que d’harmonie morale entre la Réforme et le Catholicisme. Si religieux que fût l’art du moyen âge, l’inspiration païenne de l’art de la Renaissance n’était pas pour lui une nouveauté, puisqu’il en avait dès les hauts temps conservé la tradition, et cette inspiration ne pouvait lui être antipathique, puisqu’il y devait reconnaître deux des influences qui l’avaient aidé à se constituer, l’influence néo-grecque et l’influence romaine. L’art, du reste, est toujours fidèle à lui-même, toutes ses grandes époques s’inspirent des mêmes principes et sont virtuellement contemporaines ; les sculpteurs de Chartres eussent pu collaborer aux frises du Parthénon.

Le seul trait de l’esprit nouveau qui dût répugner à l’esprit ancien, c’était la revendication des droits de l’individu contre l’autorité de la collectivité.

  1. H. Lemonnier, L’Art français au temps de Richelieu et de Mazarin.