GRACIEUSE
et
PERCINET.
l y avait une fois un roi et une reine qui n’avaient qu’une fille. Sa beauté, sa douceur et
son esprit, qui étaient incomparables, la firent
noumer Gracieuse. Elle faisait toute la joie de sa
mère ; il n’y avait point de matin qu’on ne lui
apportât une belle robe ; tantôt de brocard d’or,
de velours ou de satin. Elle était parée à merveille,
sans en être ni plus fière, ni plus glorieuse.
Elle passait la matinée avec des personnes
savantes, qui lui apprenaient toutes
sortes de sciences, et l’après-dîner, elle travaillait auprès de la reine. Quand il était temps de
faire collation, on lui servait des bassins pleins
de dragées, et plus de vingt pots de différentes
sortes de confitures : aussi disait-on partout
qu’elle était la plus heureuse princesse de l’univers.
Il y avait dans cette même cour une vieille fille fort riche, appelée la duchesse Grognon, qui était affreuse de tout point : ses cheveux étaient d’un roux couleur de feu ; elle avait le visage épouvantablement gros, et couvert de boutons ; de deux yeux qu’elle avait eus autrefois, il ne lui en restait qu’un chassieux ; sa bouche était