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GRACIEUSE

si grande, qu’on eût dit qu’elle voulait manger tout le monde ; mais comme elle n’avait point de dents, on ne la craignait pas : elle était bossue devant et derrière, et boiteuse des deux côtés. Ces sortes de monstres portent envie à toutes les belles personnes : elle haïssait mortellement Gracieuse, et se retira de la cour pour n’en entendre plus dire du bien. Elle fut demeurer dans un château qui lui appartenait et qui n’était pas éloigné. Quand quelqu’un l’allait voir, et qu’on lui racontait des merveilles de la princesse, elle s’écriait en colère : « Vous mentez ; elle n’est point aimable ; j’ai plus de charme dans mon petit doigt, qu’elle n’en a dans toute sa personne. »

Cependant la reine tomba malade et mourut. La princesse Gracieuse pensa mourir aussi de douleur d’avoir perdu une si bonne mère ; le roi qui regrettait beaucoup sa femme, demeura près d’un an enfermé dans son palais. Enfin les médecins oraignant qu’il ne tombật malade, lui ordonnèrent de se promener et de se divertir. Il fut à la chasse, et comme la chaleur était grande, en passant devant un beau château qu’il trouva sur son chemin, il y entra pour se reposer.

Aussitôt la duchesse Grognon avertie de l’arrivée du roi (car c’était dans son château que ce prince venait d’entrer), vint le recevoir et lui dit que l’endroit le plus frais de la maison était une grande cave bien voûtée, fort propre, où elle le priait de descendre. Le roi y fut avec