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L’OISEAU

Personne n’était jamais parvenu jusqu’au sommet ; et quand on y vit Florine, les dames poussèrent de longs cris de désespoir : « Où va cette mal avisée ? disaient-elles. Sans doute qu’elle a assez d’esprit pour marcher sur notre glace ; du premier pas elle brisera tout. » Elles faisaient un bruit épouvantable.

La reine ne savait comment faire ; car elle voyait un grand péril à descendre par-là ; elle cassa un autre œuf, dont il sortit deux pigeons et un chariot, qui devint en même temps assez grand pour s’y placer commodément : puis les pigeons descendirent légèrement avec la reine sans qu’il lui arrivât rien de fâcheux. Elle leur dit : « Mes petits amis, si vous vouliez me conduire jusqu’au lieu où le roi Charmant tient sa cour, vous n’obligeriez point une ingrate. » Les pigeons civils et obéissans ne s’arrêtèrent ni jour ni nuit qu’ils ne fussent arrivés aux portes de la ville. Florine descendit, et leur donna à chacun un doux baiser, plus estimable qu’une couronne.

Oh ! que le cœur lui battait en entrant : elle se barbouilla le visage pour n’être point connue. Elle demanda aux passans où elle pouvait voir le roi ? Quelques-uns se prirent à rire : « Voir le roi ! lui dirent-ils. Hé, que lui veux-tu, ma mie Souillon ? Va, va te décrasser, tu n’as pas les yeux assez bons pour voir un tel monarque. » La reine ne répondit rien ; elle s’éloigna doucement, et demanda encore à ceux qu’elle rencontra, où elle se pourrait mettre pour voir le roi ? « Il doit venir demain au temple avec la princesse Truitonne, lui dit-on ; car enfin il consent à l’épouser. »