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LUTIN

uns de ses domestiques, vêtus de sa livrée, pour que le bruit de son retour fût plus tôt répandu.^

Il faut savoir que Furibon, qui était un grand menteur, avait dit que sans son courage Léandre l’aurait assassiné à la chasse ; qu’il avait tué tous ses gens, et qu’il voulait qu’on en fit justice. Le roi importuné par la reine, donna ordre qu’on allât l’arrêter ; de sorte que lorsqu’il vint d’un air si résolu, Furibon en fut averti. Il était trop timide pour l’aller chercher lui même ; il courut dans la chambre de sa mère, et lui dit que Léandre venait d’arriver, qu’il la priait qu’on l’arrêtât. La reine, diligente pour tout ce que pouvait désirer son magot de fils, ne manqua pas d’aller trouver le roi ; et le prince impatient de savoir ce qui serait résolu, la suivit sans dire mot. Il s’arrêta à la porte, il en approcha l’oreille et releva ses cheveux pour mieux en tendre. Léandre entra dans la grande salle du palais avec le petit chapeau rouge sur sa tête : le voilà devenu invisible. Dès qu’il aperçut Furibon qui écoutait, il prit un clou avec un marteau, il y attacha rudement son oreille.

Furibon se désespère, enrage, frappe comme un fou à la porte, poussant de hauts cris. La reine à cette voix courut l’ouvrir, elle acheva d’emporter l’oreille de son fils ; il saignait comme si on l’eut égorgé, et faisait une laide grimace. La reine, inconsolable, le met sur ses genoux, porte la main à son oreille, la baise et l’accommode. Lutin se saisit d’une poignée de verges dont on fouettait les petits chiens du roi, et