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LE PRINCE

commença d’en donner plusieurs conps sur les maios de la reine et sur le museau de son fils : elle s’écrie qu’on l’assassine, qu’on l’assomme. Le roi regarde, le monde accourt, l’on n’aperçoit personne ; l’on dit tout bas que la reine est folle, et que cela ne lui vient que de la douleur de voir l’oreille de Furibon arrachée. Le roi est le premier à le croire, il l’évite quand elle veut l’approcher : cette scène était fort plaisante. Enfin le bon Lutin donne encore mille coups à Furibon, puis il sort de la chambre, passe dans le jardin, et se rend visible. Il va hardiment cueillir les cerises, les abricots, les fraises et les fleurs du parterre de la reine : c’était elle seule qui les arrosait ; il y allait de la vie d’y toucher. Les jardiniers, bien surpris vinrent dire à leurs majestés que le prince Léandre dépouillait les arbres de fruits, et le jardin de fleurs. « Quelle insolence, s’écria la reine ! Mon petit Furibon, mon cher Poupar, oublie pour un moment ton mal d’oreille, et cours vers ce scélérat ; prends nos gardes, nos mousquetaires, nos gendarmes, nos courtisans ; mets-toi à leur tête, attrape-le, et fais-en une capilotade. »

Furibon, animé par sa mère et suivi de mille hommes bien armés, entre dans le jardin et voit Léandre sous un arbre, qui lui jette une pierre, dont il lui casse le bras, et plus de cent oranges au reste de sa troupe. On voulut courir vers Léandre, mais en même temps on ne le vit plus. Il se glissa derrière Furibon, qui était déjà bien mal ; il lui passa une corde dans