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LE PRINCE

voleurs qui m’avaient enlevée, et vous, seigneur. Ces gens-là m’ont dit qu’ils étaient envoyés par un certain homme laid et mal bâti, appelé Furibon, qui aime ma maîtresse, et n’a jamais vu que son portrait. Ils rôdaient autour de l’île sans oser y mettre le pied : nos Amazones sont trop vigilantes pour laisser entrer personne ; mais comme j’ai soin des oiseaux de la princesse, je laissai envoler son beau perroquet ; et, dans la crainte d’être grondée, je sortis imprudemment de l’île pour l’aller chercher ; ils m’attrapèrent, et m’auraient emmenée avec eux sans votre secours.

Si vous êtes sensible à la reconnaissance, dit Léandre, ne puis-je pas espérer, belle Abricotine, que vous me ferez entrer dans l’île des plaisirs tranquilles, et que je verrai cette merveilleuse princesse qui ne vieillit point ? — Ah ! seigneur, lui dit-elle, nous serions perdus vous et moi si nous faisions une telle entreprise ! Il vous doit être aisé de vous passer d’un bien que vous ne connaissez point ; vous n’avez jamais été dans ce palais, figurez-vous qu’il n’y en a point. — Il n’est pas si facile que vous le pensez, répliqua le prince, d’ôter de sa mémoire les choses qui s’y placent agréablement, et je ne conviens pas avec vous que ce soit un moyen bien sûr pour avoir des plaisirs tranquilles, d’en bannir absolument notre sexe. — Seigneur, répondit-elle, il ne m’appartient pas de décider là-dessus ; je vous avoue même que si tous les hommes vous ressemblaient, je serais bien d’avis que la princesse fît d’autres