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LUTIN

lois ; mais puisque n’en ayant jamais vu que cinq, j’en ai trouvé quatre si méchans, je conclus que le nombre des mauvais est supérieur à celui des bons, et qu’il vaut mieux les bannir tous. »

En parlant ainsi ils arrivèrent au bord d’une grosse rivière. Abricotine sauta légèrement à terre. « Adieu, seigneur, dit-elle au prince, en lui faisant une profonde révérence ; je vous souhaite tant de bonheur, que toute la terre soit pour vous l’île des plaisirs : retirez-vous promptement, crainte que nos Amazones ne vous aperçoivent. — Et moi, dit-il, belle Abricotine, je vous souhaite un cœur sensible, enfin d’avoir quelquefois part dans votre souvenir. »

En même temps il s’éloigna, et fut dans le plus épais d’un bois qu’il voyait proche de la rivière ; il ôta la selle et la bride à Gris-de-Lin, pour qu’il pût se promener et paître l’herbe ; il mit le petit chapeau rouge, et se souhaita dans l’île des plaisirs tranquilles. Son souhait s’accomplit sur-le-champ, il se trouva dans le lieu du monde le plus beau et le moins commun.

Le palais était d’or pur ; il s’élevait dessus des figures de cristal et de pierreries, qui représentaient le zodiaque et toutes les merveilles de la nature, les sciences et les arts, les élémens, la mer et les poissons, la terre et les animaux, les chasses de Diane avec ses nymphes, les nobles exercices des amazones, les amusemens de la vie champêtre, les troupeaux des bergers et leurs chiens, les soins de la vie