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LE PRINCE

Aimez, aimez tendrement,
Tout ici vous y convie ;
Faites le choix d’un amant,
L’amour même vous en prie.

La princesse encore plus surprise fit venir Abricotine, et lui demanda si elle avait appris à chanter à quelqu’un de ses serins ? Elle lui dit que non ; mais qu’elle croyait que les serins pouvaient bien avoir autant d’esprit que les perroquets. La princesse sourit et s’imagina qu’Abricotine avait donné des leçons à la gente volatile ; elle se remit à table pour achever son souper.

Léandre avait fait assez de chemin pour avoir bon appétit ; il s’approcha de ce grand repas, dont la seule odeur réjouissait. La princesse avait un chat bleu fort à la mode, qu’elle aimait beaucoup ; une de ses filles d’honneur le tenait entre ses bras. Elle lui dit : « Madame, je vous avertis que Bluet a faim. » On le mit à table avec une petite assiette d’or, et dessus une serviette à dentelle bien pliée : il avait un grelot d’or, avec un collier de perles ; et d’un air de rominagrobis, il commença à manger. « Ho, ho, dit Lutin en lui-même, un gros matou bleu, qui n’a peut-être jamais pris de souris, et qui n’est pas assurément de meilleure maison que moi, a l’honneur de manger avec ma belle princesse ! Je voudrais bien savoir s’il l’aime autant que je le fais, et s’il est juste que je n’avale que de la fumée, quand il croque de bons morceaux ? » Il ôta tout doucement le chat bleu, il s’assit dans