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LE PRINCE

cendit. Il trouva une porte ouverte ; il entra sans bruit dans un appartement bas, le plus beau et le plus agréable que l’on ait jamais vu ; il y avait un lit de gaze, or et vert, relevé en festons, avec des cordons de perles et des glands de rubis et d’émeraudes : il faisait déjà assez de jour pour pouvoir admirer l’extraordinaire magnificence de ce meuble. Après avoir fermé la porte, il s’endormit ; mais le souvenir de sa belle princesse le réveilla plusieurs fois, et il ne put s’empêcher de pousser d’amoureux soupirs vers elle.

Il se leva de si bonne heure, qu’il eut le temps de s’impatienter jusqu’au moment qu’il pouvait la voir ; et regardant de tous côtés, il aperçut une toile préparée et des couleurs ; il se souvint en même temps de ce que sa princesse avait dit à Abricotine sur son portrait, et sans perdre un moment (car il peignait mieux que les plus excellens maîtres), il s’assit devant un grand miroir, et fit son portrait. Il peignit dans un ovale celui de la princesse, l’ayant si vivement dans son imagination qu’il n’avait pas besoin de la voir pour cette première ébauche : il perfectionna ensuite l’ouvrage sur elle sans qu’elle s’en aperçût ; et comme c’était l’envie de lui plaire qui le faisait travailler, jamais portrait n’a été mieux fini. Il s’éteint peint un genou en terre, soutenant le portrait de la princesse d’une main, et de l’autre, un rouleau, où il y avait écrit :

Elle est mieux dans mon cœur.