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LE PRINCE

Lorsqu’elle y entra, l’on n’a jamais été plus agréablement surpris. Chacune tenait un présent, soit montres, bracelets, boutons de diamans, colliers ; la plus apparente avait une boîte de portrait. La princesse l’ouvrit, et trouva celui de Léandre ; l’idée qu’elle conservait du premier, lui fit reconnaître le second. Elle fit un grand cri ; puis regardant Abricotine, elle lui dit : « Je ne sais que comprendre à tout ce qui se passe depuis quelque temps dans ce palais ; mes oiseaux y sont pleins d’esprit, il semble que je n’aie qu’à former des souhaits pour être obéie, je vois deux fois le portrait de celui qui t’a sauvée de la main des voleurs ; voilà des étoffes, des diamans, des broderies, des dentelles, et des raretés infinies. Quelle est donc la fée, quel est donc le démon qui prend soin de me rendre de si agréables services ? » Léandre l’entendant parler, écrivit ces mots sur ses tablettes, et les jeta aux pieds de la princesse :

Je ne suis ni démon ni fée,
Je suis un amant malheureux
Qui n’ose paraitre à vos yeux :
Plaignez du moins sa destinée.
LE PRINCE LUTIN.

Les tablettes étaient si brillantes d’or et de pierreries, qu’aussitôt elle les aperçut ; elle les ouvrit, et lut ce que Lutin avait écrit avec le dernier étonnement. Cet invisible est donc un monstre, disait-elle, puisqu’il n’ose se montrer ; mais s’il était vrai qu’il eût quelque attachement pour moi, il n’aurait guère de délicatesse de me