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LA PRINCESSE

aise ! — Mais c’est pour l’amour de vous, Fanfarinet, dit-elle, en lui tendant la main. — Je m’en serais bien passé, dit-il. » Et là-dessus il lui tourna le dos.

La belle princesse, outrée de douleur, se prit à tant pleurer, qu’elle aurait attendri un rocher. Elle s’assit au pied d’un buisson, chargé de roses blanches et vermeilles. Après les avoir regardées quelque temps, elle leur dit :

« Que vous êtes heureuses, jeunes fleurs, les Zéphirs vous caressent, la rosée vous humecte, le soleil vous embellit, les abeilles vous chérissent, vos épines vous défendent, chacun vous admire. Hélas ! faut-il que vous soyez plus tranquilles que moi ? » Cette réflexion lui fit répandre une si grande abondance de larmes, que le pied du rosier en était tout mouillé. Elle vit alors avec un grand étonnement que le buisson s’agitait ; que les roses s’épanouissaient, et que la plus belle lui dit : « Si tu n’avais point aimé, ton sort serait aussi digne d’envie que le mien : qui aime, s’expose aux derniers malheurs. Pauvre princesse ! prends dans le creux de cet arbre un rayon de miel ; mais ne sois pas assez simple pour en donner à Fanfarinet. » Elle courut à l’arbre, ne sachant encore si elle rêvait ou si elle était bien éveillée. Elle trouva le miel, et dès qu’elle l’eût, elle le porta à son ingrat amant. « Voici, lui dit-elle, un rayon de miel, j’aurais pu le manger seule, mais j’aime mieux le partager avec vous. Sans la remercier, ni la regarder, il le lui arracha, et le mangea tout entier, refusant de lui en donner un petit morceau. Il