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LA PRINCESSE

s’appelait le grand prince, et le cadet le petit prince. Ils aimaient leur sœur passionnément ; car elle était la plus belle et la plus gracieuse que l’on eût jamais vue, et le moindre de ses regards valait mieux que cent pistoles. Quand elle eut quinze ans, le grand prince disait au roi : « Mon papa, ma sœur est assez grande pour être mariée ; n’irons-nous pas bientôt à la noce ? » Le petit prince en disait autant à la reine ; et leurs majestés les amusaient, sans rien répondre sur le mariage.

Enfin le roi et la reine tombèrent bien malades, et moururent presque en un même jour. Voilà tout le monde fort triste ; l’on s’habille de noir et l’on sonne les cloches partout. Rosette était inconsolable de la mort de sa bonne maman.

Quand le roi et la reine eurent été enterrés les marquis et les ducs du royaume firent monter le grand prince sur un trône d’or et de diamans avec une belle couronne sur sa tête, et des habits de velours violet, chamarrés de soleils et de lunes, et puis toute la cour cria trois fois : « Vive le roi. » L’on ne songea plus qu’à se réjouir.

Le roi et son frère s’entredirent : « À présent sommes les maîtres, il faut retirer notre sœur de la tour, où elle s’ennuie de puis long-temps. » Ils n’eurent qu’à traverser le jardin pour aller à la tour qui était bâtie au coin, toute la plus haute que l’on avait pu ; car le roi et la reine défunts voulaient qu’elle y demeurât toujours. Rosette brodait une belle robe sur un métier qui était là devant elle, mais