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ET PERCINET.

souhaité le beau Percinet ; mais se voyant presque nue, elle était trop modeste pour vouloir que ce prince en fût témoin, et elle se préparait à tout souffrir comme une pauvre brebis. Les quatre furies tenaient chacune une poignée de verges épouvantables ; elles avaient encore de gros balais pour en prendre de nouvelles, de sorte qu’elles l’assommaient sans quartier, et à chaque coup la méchante Grognon disait : « Plus fort, plus fort, vous l’épargnez. »

Il n’y a personne qui ne croie après cela que la princesse était écorchée depuis la tête jusques aux pieds : l’on se trompe toutefois ; car le galant Percinet avait fasciné les yeux de ces femmes : elles pensaient avoir des verges à la main, c’était des plumes de mille couleurs ; et dès qu’elles commencèrent, Gracieuse les vit, et cessa d’avoir peur, disant tout bas : « Ah ! Percinet, vous m’êtes venu secourir bien généreusement ! Qu’aurais-je fait sans vous ? » Les fouetteuses se lassèrent tant, qu’elles ne pouvaient plus remuer les bras : elles la tamponnèrent dans ses habits, et la mirent dehors avec mille injures.

Elle revint dans sa chambre, feignant d’être bien malade ; elle se mit au lit, et commanda qu’il ne restât auprès d’elle que sa nourrice, à qui elle conta toute son aventure. À force de conter, elle s’endormit : la nourrice s’en alla ; et en se réveillant, elle vit dans un petit coin le page vert, qui, par respect, n’osait s’approcher. Elle lui dit qu’elle n’oublierait de sa vie les obligations qu’elle lui avait ; qu’elle le conjurait de ne la pas abandonner à la fureur de